La troupe de la Comédie Française était au Parvis mardi et mercredi pour présenter « Le Misanthrope ». Après le succès du Menteur l’année dernière, on se précipite au Parvis. On pense déjà à tout ce que le théâtre a de classique, en particulier quand c’est la maison de Molière qui reprend une de ses pièces majeures. Et en effet, on retrouve les alexandrins et les costumes XVIIème siècle. Mais le classicisme s’arrête la ! Et c’est parti pour 3h d’un misanthrope hors normes.
Thierry Hancisse joue avec fureur cet « Atrabilaire amoureux ». Il se refuse à toute compromission avec les mesquineries et hypocrisies du genre humain et il est en même temps amoureux de la frivole Célimène, interprétée par Marie-Sophie Ferdane. Il s’enfonce continûment dans cette contradiction pendant les 3 premiers actes. Et le spectateur avec lui… Car c’est assez déroutant ! La scène parait surréaliste : Alceste erre, écrasé par le poids de ses incohérences, les petits marquis en font des tonnes, Arsinoé la prude ressemble à une vamp et Célimène dit son texte comme du rap. On en perd le fil, ballottés par ces mouvements incessants, par ces cris, par un jeu haché. On comprend mal ce qui reste de désirable à cet Alceste qui se traîne comme une épave, aux yeux de Célimène. Bref, à l’entracte, les spectateurs discutent, s’interrogent, quelques uns jettent l’éponge.
On comprend après la reprise qu’ils ont eu tort ! Dès le début du 4e acte, la formule commence à fonctionner et chacun trouve sa place. La mise en scène résolument contemporaine de l’Allemand Lukas Hemleb, prend alors tout son sens. En voulant « épurer la pièce de tous les a priori qui lui collent à la peau », il tend à faire ressortir ce qu’il y a de plus humain dans les personnages d’Alceste et de Célimène. La pièce devient plus intemporelle et universelle, cette approche bien particulière tonifie le texte. Il trouve une profondeur qui ressemble au jeu de transparence des toiles tendues du décor. Alceste finit par se perdre dans les limbes, Célimène disparaît, et le spectateur sort rassuré, récompensé de ses deux premières heures de doute.