C’est à un spectacle hors normes que le Pari nous invitait samedi et dimanche. Il n'a absolument rien à voir. Un spectacle comme une plongée qui débute dans la pénombre de la petite salle du Pari. La suite se fera les yeux bandés. Nous sommes au soir du 16 avril 1917, sur le champ de bataille au moment même où débute la bataille du Chemin des Dames. Déjà, les bombes explosent avec fracas tout autour de nous. Jean-Louis Manceau, Lionel Sabattier et Bruno Spiesser vont nous font partager le destin croisé de quatre poilus dans l’enfer de ces tranchées froides et humides. L’absence de vue aiguise tous les autres sens. On écoute avec une attention extrême les conversations entre ces poilus et l’ambiance sonore de ces tranchées. On sent le sol vibrer sous les pieds des soldats. On imagine l’humidité et les odeurs de cette terre meurtrie et boueuse.
L’absence de vue nous empêche aussi de mettre l’habituelle et confortable distance entre notre fauteuil de spectateur et le propos du spectacle. Avec ces bêtes sauvages, c’est une véritable immersion qui nous a été proposée. On prend alors la mesure effroyable du quotidien de ces soldats envoyés sur le front pour se battre comme aucune bête ne le ferait. Les paroles de la Chanson de Craonne qui termine le spectacle prend tout son sens. « Adieu la vie, adieu l'amour, Adieu toutes les femmes. C'est bien fini, c'est pour toujours, De cette guerre infâme. C'est à Craonne sur le plateau qu'on doit laisser sa peau car nous sommes tous des condamnés. C'est nous les sacrifiés ». Un spectacle intense après lequel on ne regardera plus les pages sur la première guerre mondiale des manuels d’histoire comme avant.