L’interprétation est pourtant superbe. Jean-Louis Manceau et Lionel Sabatier interprètent avec une belle conviction cet étrange couple, Ferdinand, un ex-cadre à la rue qui débarque à l’heure de la fermeture pour s’installer dans la modeste laverie de quartier tenue par Momo. L’envie de discuter, le plaisir de parler, suffit pour qu’une relation naisse à ce moment-là. Ce qui aurait pu être une occupation, peut-être même un soutien pour ces deux malmenés de la vie, tourne finalement au duel. Il y aura un gagnant et un perdant, l’un éliminera l’autre, selon les règles de la tauromachie. Et c’est toujours le même qui gagne.
Mais le texte de l’auteur belge Jean-Marie Piemme n’est pas à la hauteur de son ambition. L’affrontement entre Ferdinand et Momo, entre le cynisme de celui qui a traversé tous les étages avant de retomber au niveau de la rue et l’idéalisme de celui qui de tout en bas imagine une société digne de la patrie des droits de l’homme, tourne rapidement à l’accumulation de poncifs. C’est Machiavel contre Candide ! Tout y passe, du manager de la laverie aux hommes politiques en général; il y a trop de facilités pour que le spectateur se laisse prendre à témoin. « Rien que des formules, fixées, cuites et recuites comme des croûtons de pensées » comme l’écrivait Louis-Ferdinand Céline dans son Voyage au bout de la nuit. La mise en scène de Bruno Spiesser à beau multiplier les idées, la faiblesse du texte reste et ne permet pas au spectateur de croire une seconde au duel qu’on lui propose.