Dès qu’on évoque le « Tramway nommé désir », on a immédiatement en tête les images du film d’Elia Kazan, avec Marlon Brando dans le rôle de Stanley Kowalski. Une image si forte qu’on oublie que c’est d’abord une pièce de Théâtre. Sur la scène de la salle des fêtes de Lourdes, le théâtre de l’Or Bleu nous a permis de constater que toute la richesse du film était déjà dans le texte de Tennessee Williams.
Quand Blanche Dubois, une fille de planteur, arrive dans l’appartement minable de la Nouvelle Orléans, que sa sœur Stella partage avec Stanley Kowalski, c’est un choc entre deux mondes, deux époques : l’aristocratie finissante qui peine à garder les apparences face à une strate populaire qui incarne l’avenir de l’Amérique. Blanche vient d’annoncer qu’elle a du vendre la plantation et on ne tarde pas à apprendre qu’elle n’a plus rien, qu’elle n’est plus rien. Stan, au nom du code Napoléon applicable dans ces anciennes colonies françaises, réclame sa part des richesses perdues. On est précisément au moment où la déchéance des uns croise l’avenir des autres. C’est parti pour une heure et demie d’un huis clos intense. En plaçant les comédiens dans un échafaudage figurant les murs de l’appartement, Karine Monneau a voulu nous « permettre d’assister à quelque chose que nous ne devrions pas voir ». Et ça n’est effectivement pas reluisant ! Le face à face interprété par Marie-Anne Gorbatchevsky et Xavier Czapla est plein de mensonges, de violence, de cruauté, de sadisme même. Les personnages de Stella et de Mitch joués par Eve Rouvière et Marc Lallement assistent impuissants à l’effondrement de Blanche. On entre dans une spirale infernale qui se termine inévitablement mal. L’intensité de la pièce est telle qu’on n’en oublierait (presque) l’inconfort des sièges et la fraicheur inattendue de ce début de mois de juin…