Il y avait probablement au Parvis deux catégories de spectateurs pour le Récit de la servante Zerline présenté mardi soir. Ceux qui avaient vu Jeanne Moreau interpréter le rôle en 1986 dans la mise en scène de Klaus Michael Grüber, et les autres. Il était certainement un peu difficile pour les premiers d’échapper à ce souvenir écrasant. Les autres ont pu apprécier bien plus simplement la puissance de l’interprétation de Marilù Marini, la comédienne fétiche d’Alfredo Arias. La mise en scène relativement sobre d’Yves Beaunesne, qu’on avait déjà pu apprécier dans « l’Echange » de Claudel ou « Le Canard Sauvage » d’Ibsen, a fait le reste.
D’une voix grave teintée d’un curieux accent qui mêle son Amérique du Sud natale, l’Italie paternelle et la Prusse maternelle, Marilù Marini nous invite à découvrir les dessous d’une maison bourgeoise, de la main que Monsieur a posé sur son sein alors qu’ils étaient jeunes, à l’amant qu’elle partage avec sa maitresse. Un long monologue pour nous raconter toute une vie au service d’une aristocratie autrichienne décadente. Une peinture au vitriol entre Tchekhov et Strindberg. Comme dans La Cerisaie, les maitres ne sont plus à la hauteur de leurs titres. Comme dans Mademoiselle Julie, Madame finira plus bas que sa servante. Près d’une heure et demie intense où la voix de Marilù Marini fait superbement résonner la nouvelle traduction du texte avec une superbe intensité.