C’est avec une improbable rencontre que le festival Délits d’humour 2010 s’est ouvert lundi soir au Théâtre des Nouveautés. L’insolence de Desproges invitée par la prestigieuse Comédie Française. C’est le pari tenu par Christian Gonon, sociétaire de la maison de Molière qu’on a pu voir il y a quelques mois dans le bien plus conventionnel « Partage de Midi » de Claudel. Il a saisi l’occasion d’une carte blanche qui lui était offerte par l’institution pour sortir du répertoire et nous offrir une escapade nettement plus impertinente.
Avec « Mon cadavre sera piégé » présenté il y a deux ans au même Théâtre des Nouveautés, Emmanuel Matte nous avait déjà montré que les textes de Desproges pouvaient exister sans Desproges. Vingt années passées depuis sa disparition qui permettent aux textes de commencer une existence autonome et à des comédiens comme Christian Gonon de les porter sur scène.
Verre de Château Figeac à la main, Christian Gonon nous a proposé une superbe balade dans l’univers poétique et sarcastique. En choisissant presque exclusivement des textes qui n’étaient pas des textes de scène, il évite l’écueil de prétendre faire du Desproges à la place de Desproges. « J'ai puisé dans ses textes de radio, dans ses chroniques. S'est opérée ensuite une sorte de lente décantation. J'avais au départ une quarantaine de textes, puis certains se sont imposés par rapport à d'autres pour devenir 1h15 de spectacle. Le tout cheminant autour d'une sorte de fil rouge qui pourrait être la dernière heure de vie de l'auteur. ».
C’est bien la que le Pari de Christian Gonon est réussi. Il donne à cette succession de textes, écrits pour être éphémères, une cohérence qui change leur portée et dessine un personnage de misanthrope flamboyant qui dépasse le simple hommage à Desproges. Superbe !
Stéphane Boularand