La magie de cette adaptation des « Chants de Maldoror » d’Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont aura une fois de plus fonctionné. Le spectacle commence dès l’entrée dans la salle : en promenant les spectateurs dans une déambulation sonore et visuelle, le public plonge progressivement dans l’ambiance étrange de Maldoror. Une mise en situation qui permet de laisser à l’entrée ses repères de la vie courante : on se sent bien plus proche de la demi-lune que de cette grande et impersonnelle salle des fêtes de Lannemezan. Embarquement immédiat pour un voyage peu recommandable; Lautréamont avertit : « Il n’est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre : quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger ». Le ton est donné !
Les gradins qui cernent la scène de près, les senteurs des feuilles, les jeux d’ombres et de lumières plantent un décor intimiste. Les perçussions de Francis Ferrié et les instruments de André Fertier vont bien au delà d’un simple élément d’ambiance en se mêlant profondément au texte. La présence de la Scène de Musiques Actuelles de La Gespe dans la production n’est pas anodine. La mise en scène de Jean-Louis Manceau exploite tous nos sens pour nous amener jusqu'à ce texte audacieux et magnifique. Avec Dominique Prunier, il joue en quelques tableaux toute la violence, la cruauté et la folie de Lautréamont. Le texte est proprement porté sur scène, avec tout ce qu’il a de provocateur. Rien ne nous est épargné ! Lautréamont revendique : « Il y en a qui écrivent pour rechercher les applaudissements humains au moyen de nobles qualités de cœur. Moi, je fais servir mon génie à peindre les délices de la cruauté ». L’objectif est atteint : on est exposé à un déferlement qui nous maintient sous une tension continue. On sort de ce spectacle un peu désorienté, il faudra un peu de temps pour revenir de cet univers sans limites. On gardera sans doute le souvenir d’un très étrange voyage !
Depuis sa création au Pari à Tarbes lors de la saison dernière, la production de l’Equipe de Réalisation et de la Scène de Musiques Actuelles de La Gespe fait son chemin. Il y a déjà eu une « Lecture Musicale » au Marathon de Mots de Toulouse. Mais le meilleur est à venir ! Pour commencer, cet été ce sera le Festival de théâtre de Figeac organisé par les Tréteaux de France sous la houlette de Marcel Maréchal. Puis, en octobre, retour à Tarbes pour une représentation à La Gespe dans le cadre de la Décade Littéraire. Et enfin, ce sera la prestigieuse scène Parisienne de la Péniche Opéra, du 19 novembre au 8 décembre. Un superbe parcours pour ce spectacle né en Hautes-Pyrénées. Et ce n’est certainement pas terminé…