Porter la Carmen de Georges Bizet hors des grandes scènes d’opéra relève de la gageure. Parce que les références vont aux grandes productions. Parce que l’effet waouh des grandes scénographies lyriques, des décors époustouflants et d’un orchestre grand format contribue largement au succès de Carmen, et éclipse quelque peu un livret qui enfile soigneusement toutes les perles (en plastique) d’un orientalisme de pacotille à l’usage d’une société du 19è siècle qui n’existe plus. Il restait à voir sur le plateau du Parvis et écouter à quoi pouvait ressembler ce Carmen né à la Scène Nationale du Sud-Aquitain de Bayonne la semaine dernière, qui arrive au Parvis sans grand décors ni grand orchestre et qui tient en deux heures au lieu des habituelles trois heures d’opéra.
Deux heures plus tard on est convaincu : la Carmen livrée par Sandrine Anglade est une vraie réussite. L’humour qui permet de mettre le livret dans son époque. La musique avec quatre pianos relevés d’un violoncelle et une trompette qui font fonctionner le manège à tubes qu’est la partition de Georges Bizet avec une écriture pour un huit mains astucieuse et puissante. Le décor modeste qui joue les grands en devenant tour à tour huis-clos ou arène. La mise en scène de Sandrine Anglade qui vrai vivre l’équilibre entre la musique, le chant lyrique et le théâtre. Et la dizaine d’interprètes qui passent avec virtuosité des pianos, violoncelle et trompette, au chant et aux parties parlées. Cette petite Carmen garde l'énergie de sa grande soeur de l'opéra avec en plus une belle dose d'humour et de dérision qui permet au livret reouver sa place. Le résultat est enthousiasmant !