Quelle belle semaine que ce « Made in Belgique » qui tient ses promesses ! Après une trilogie Pagnol qui avait enchanté les spectateurs le week-end dernier par sa gaité et son dynamisme, c’est le « Rouge Décanté » qui a séduit le public du Parvis mardi soir dans un registre radicalement différent. Rouge Décanté, c’est d’abord un livre, celui de Jeroen Brouwers, un auteur néerlandais qui revient à l’âge adulte sur ses souvenirs d’enfant, ses trois années passée avec sa mère, sa grand-mère et sa petite sœur, au camp de Tjideng à Batavia, durant l'occupation japonaise de l'Indonésie néerlandaise. Une superposition de visions innocentes de l’enfant et de souvenirs insupportables de l’adulte, qui fonctionne à merveille.
C’est précisément ce jeu de superpositions que Guy Cassiers à choisi de restituer dans cette mise en scène présentée au Festival d’Avignon en 2006. Un dispositif scénique fait de panneaux pivotant et de caméras qui permettent de montrer des vues inhabituelle, montrant Dirk Roofthooft de face et de dos en même temps, conjuguant l’intensité d’un gros plan avec la faiblesse d’une silhouette seule en scène. Près de deux heures de monologue pour un comédien exceptionnel, à passer et repasser les souvenirs. Des images tendre et sévère pour ce jeune garçon qui n’avait pas l’âge de comprendre ce qu’il vivait. Et toute une vie après pour faire comme on peut avec une telle épreuve, avec une mère qui ne pouvait plus incarner l’image d’une mère, ni même d’une femme. Deux heures d’une belle intensité que les quelques hésitations de Dirk Roofthooft, qui joue le texte en quatre langues, ne parviennent pas à troubler. Un superbe moment de théâtre !