Sur une scène dénudée, il y a Chet Baker, celui qui est devenu ce grand trompettiste de Jazz universellement connu. S'il avait été un fils plus docile, il se serait plutôt mis au trombone, et n'aurait pas fini par revendre celui que son père lui a offert ! Mais Chet préfère explorer ses propres voies. La musique d'abord, travailler son instrument pour arriver a ce qui deviendra son style, sa marque, souvent à la limite de la rupture, en de longues phrases sinueuses. Il explore aussi d'autres voies ou il se perdra : herbe, cocaïne, la prison, la perte de l'envie de jouer.
Dans ce long et douloureux cheminement, il y a Benoît Braconnier et Damon Brown, sans oublier sa trompette. Ils jouent deux visages de Chet Baker. On perçoit comment l'homme n'est pas à la hauteur du musicien qui est en lui, combien ses errances musellent la trompette. Combien la musique arrive par moment à relever l'homme, à lui redonner le goût du beau, celui de l'exploration de l'instrument. Mais c'est finalement la drogue qui prendra le dessus.
Dounia Bouhajeb qui a écrit ce texte et l'a mis en scène, nous fait suivre pendant une heure les errances de Chet Baker, en jouant sur l'alternance, la complémentarité du comédien et du musicien. Un jeu dans lequel le jeu de lumières prend une place à part entière. Et pour le spectateur, c'est un moment hors du temps qui le plonge dans une intimité troublante.