Comment êtes-vous devenue artiste ?
J’ai eu plusieurs vies, mais je m'intéresse à l'art depuis ma plus tendre enfance. J’ai été médecin. Je suis artiste. Il y deux choses qui sont les moteurs de ma vie : l'art et la musique. J'ai eu beaucoup de chance. Celle d'avoir un père qui m'a élevé seul, qui était un homme de culture. Je suis née à Saïgon, mon père était procureur de la République, il a été prisonnier des Japonais pendant la guerre. Juste après la fin de la guerre, je suis venue en France. J’avais 8 ans. Nous sommes allés à Cahors car mon père est originaire du Lot. Mais mon père était très cultivé, il m’a beaucoup amené à Paris, parcourir les galeries et les musées. On allait écouter des concerts aussi. Dès mes 8 ans, j’étais imprégné de tout cela.
Mais l’artiste est passé derrière le medecin !
Pas longtemps. Après le bac, je voulais faire des Beaux-Arts, mais mon père n’a pas voulu parce qu’il trouvait que c’était un métier trop aléatoire. Il avait raison d’un côté. Il voulait que ca soit un plaisir pas un métier. J’ai donc fait médecine. Le début c’est difficile avec un concours dans toute la France qu’on ne doit pas rater, sinon c’est fini. Après au bout de trois années, on est sauvé. C’est la que j’ai fait les Beaux-Arts le soir en continuant ma médecine qui était ma priorité. J’avais la chance que les deux soient aussi proches. J’ai été élève de Raymond Espinasse. Il y avait une sorte de connivence avec lui. J’ai une pièce qui lui est consacré dans ma maison avec son portrait qu’il m’a donné, une photo de Jean Dieuzaide que m’a donné son fils, les vœux qu’il m’envoyait chaque année.
Et vous êtes arrivé à Bagnères en tant qu’artiste ou comme medecin ?
J'ai suivi les cours de Raymond Espinasse, puis après bon je me suis installé évidemment en tant que médecin mais avec toujours un regret de ne pas avoir fait autre chose. Je suis venue à Bagnères quand je me suis marié à un Luchonnais et que j’étais interne ici pour ma spécialité de rhumatologie et de rééducation. La vie a fait qu’on s’est installé ici. Et je suis seule depuis que mon mari est décédé en 2015. Et mes enfants sont loin. Mais il y a l’art et la musique ! Je suis fidèle à ce que j’ai découvert à 8 ans.
Vous avez eu une pratique artistique pendant votre carrière de medecin ?
Oui un petit peu. Je suis passée du figuratif mais pas très longtemps qu non figuratif. Je vais vous montrer ce que je faisais, et ce que je fais encore.
Dans votre présentation, vous citez l’expressionnisme abstrait. De Mark Rothko à Jackson Pollock, le terrain de jeu est vaste !
Moi j'étais une fan Pollock. C’est une influence que je revendique dans mes œuvres. Mais maintenant, je vire au minimalisme, le rien.
Qu’est-ce qui vous séduit dans l’abstraction ?
Uniquement la beauté. Dans la figuration elle ne vous prend pas aux tripes comme elle le fait la. Cette impermanence on le retrouve dans chacune de nos vies. Les tableaux que je montre en sont un exemple. Comme tout le monde je crois, j'ai essayé d'imiter en peinture ou en dessin, ce que j'avais devant moi, un paysage, un bouquet de fleurs, le souvenir d'un visage. Et puis j'ai mis au rencard la forme, l’imitation et j’ai peint ce que je ressentais. La colère d’abord inspirée de Jackson Pollock, le temps avec les monochrome blancs de Malevitch à Robert Ryman et l’acceptation en 2022 qui m’amène au bleu à la manière de Yves Klein. Et la musique m’accompagne dans toutes mes créations, celle de Bach, celle de Philip Glass qui est le Bach du 21eme siècle. C'est une des formes impermanentes de ma vie. J'en ai tellement que je ne m'ennuie jamais et que je suis prête à continuer encore longtemps sur le terrain
La musique fait partie de vos œuvres ou c’est un médium pour accompagner votre expression ?
Les deux. La ça a été un medium. J’ai toujours en moi une certaine forme de musique. Je vais du baroque à la musique du 21eme siècle.
C’est aussi votre approche de la sculpture ?
Oui. Je suis venue à la sculpture plus tard car je n’en n’avais pas fait aux Beaux-Arts. Mais justement on a exposé de mes sculptures et j’ai écrit un texte à propos de ce que je présente. Cette pureté cette sobriété qui est toujours à l'origine du beau dans tous les domaines. Mais j’ai un peu abandonné la sculpture car ça me prenait trop de place.
Et comment vos créations évoluent ?
Je suis arrivé au point ou je ne peux pas aller plus loin. Il n’y a plus rien sur le tableau.
Vous allez arrêter de peindre ?
Non, je ne pense pas. On ne peut pas arrêter comme ça.
La Galerie 88
Mon but est de montrer de l’art. Que les personnes, que les enfants aient la même chance que moi
. C’est dans cet esprit qu’elle a ouvert en 2007 la Galerie 88 sur la place Georges Clemenceau à Bagnères-de-Bigorre. Elle y compose des expositions d’artistes locaux ou plus lointains, comme One XXI
qui vient de fermer qui présentait le travail de sculpteur céramiste toulousain Claude Devillard et du peintre gersois Pascal Rennié. Avec toujours la même exigence vis à vis des artistes et le même plaisir vis à vis des visiteurs. Surtout quand c’est de jeunes visiteurs sur lesquels Denise Samson-Disses projette sa propre découverte de l’art.