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Amélie Saavedra

Amélie Saavedra, longtemps artisan d’art, enfin artiste

Peu de communication, pas d’exposition jusqu’ici. Mais c’est du passé : nous rencontrons Amélie Saavedra au moment où elle a décidé d’entrer de plain-pied dans sa vie d’artiste.

Amélie Saavedra et son double exposé à L'Endroit de Bagnères-de-Bigorre

Amélie Saavedra et son double exposé à L'Endroit de Bagnères-de-Bigorre

La route a été longue avant d’être artiste ?

Oui. J’ai fait un prépa beaux-arts à Tarbes juste après le bac et les beaux-arts à Pau après. En sortant, j'avais le choix entre être artiste et graphiste. Je me suis dit que si je voulais nourrir mes enfants il valait mieux faire graphiste. Pour moi c’était du luxe d’être artiste dans le sens où je suis capable de manger des pommes de terre tous les jours, mais pour mes enfants je considérais que c'était beaucoup plus raisonnable de prendre une filière de graphiste. En plus dans ma famille ma grand-mère était peintre, elle a aussi fait écris et fait beaucoup de photos. Mon père a fait une carrière de musicien, auteur-compositeur. Il y avait quelque chose en moi qui me dit de ça c’étaient des gens légitimes, qui faisaient des expos, qui avaient une carrière internationale. J’ai donc été graphiste pendant 10 ans dans une boite de créa.

C’est après que vous avez développé votre pratique artistique ?

Pas encore. En 2007 avec la crise économique et mon quatrième enfant, j’ai quitté mon emploi de graphiste et j’ai commencé à enseigner. J’ai été prof d’arts plastiques au Collège Calandrette, au Lycée Baradat avec une section de design graphique où j'ai dû enseigner l'histoire de l'art, la typographie mais aussi toutes les techniques plastiques et graphiques. Jusque-là j'étais convaincue que j'étais graphiste et que je savais à peine dessiner. J'aimais beaucoup peindre à l'huile quand j'étais ado mais L'acrylique ne me branchait pas, l'aquarelle pour moi c'était la cour des grands et la gouache était réservé aux enfants. Plein de choses que je me racontais. Mais avant d'enseigner et de transmettre, j’aime me mettre dans les mêmes conditions que les élèves. Je me suis mise en contrainte et je me suis mise à faire de l'aquarelle, de la brou de noix, de l'acrylique, de l'encre de Chine. Et je me suis aperçu d'une part que je savais dessiner puisque comme je dis à mes élèves savoir dessiner c'est savoir observer. Je me régalais en plus.

Alors artiste ou pas ?

Pas encore. Ce n’étais pas avec la vocation d'être artiste, mais d'être utile et de pouvoir transmettre. En parallèle j’ai repris mes études aux beaux-arts de Pau pour aller jusqu’à un DNSEP de design graphique option multimédia. Et puis j’ai rencontré Marie-Hélène Cabanes. Je posais à un de ses stages, c’est comme ça que je l’ai connue. J’ai fait des affiches pour son Atelier de créativité, elle a vu ce que je faisais et assez rapidement elle m’a proposé reprendre son bébé. Et j’ai repris de rôle d’accompagnateur, je dis sage-femme, pour des gens qui ont envie de faire quelque chose. J’ai plein d’idées pour accompagner comme quand je donne un modèle. J’arrive, je les aide à voir et prendre conscience des différences entre ce que le modèle raconte et ce que l’élève est en train de réaliser. Pour arriver à se poser la question de savoir ce qu’on veut faire : la justesse de la reproduction ou oublier le modèle. Il y a mille façons d’apporter la lumière, il y a mille manières d’utiliser un ou plusieurs médiums au service de ce qu’on est en train de réaliser. Et on exposait le travail des élèves. Et une année ont travaillait sur Mona Lisa, et les élèves m’ont demandé si je faisais moi aussi une proposition. Et depuis, à chaque exposition, je participe aussi.

Et toujours pas de statut d’artiste alors que beaucoup de chemin a été parcouru !

Non. Et pourtant j’ai produit. Pendant ma formation aux beaux-arts, comme le livre que j’ai réalisé en troisième année ou les récits numériques qui anticipaient le support sur lequel ils allaient être lu. L'idée était d’écrire pour un support et de pouvoir créer des ponts entre les personnages, d’aller vers des espaces graphiques, des écoutes audio, des vidéos d'extérieur. J'ai vraiment exploré beaucoup de médias et l'écriture aussi. Ça fait partie des choses que je fais. Avec une grande frustration chez des gens qui m'entouraient qui me disaient que c'est terrible parce que ce que je faisais est très intéressant. C'est même jubilatoire parce qu'on voudrait que ça existe réellement. Mais c'est presque comme si c'était une fin en soi. Alors que ce projet de récit numérique a été exposé au Bel Ordinaire, le centre d'art de Billère.

Finalement qu’est-ce qui vous a permis de vous sentir artiste ?

C’est très récent : c’est le départ de mon dernier enfant de la maison il y a à peine plus d’une année. Il y avait quelque chose d’un peu effrayant de ne plus avoir ce statut de mère en permanence. Pour la première fois, je peux passer le temps que je veux à créer. J’aimerais n’avoir le temps que pour ça. Je suis allé m’inscrire à la Maison des artistes. Je continue mon travail de production graphique. Mais en plus de ça, si ton travail plait tu vas y mettre des prix. Et la première expo, c’était en décembre à l’Endroit. Même si on n’avait pas communiqué dessus, même si je n’avais pas dit à mes proches que je faisais une exposition

C’est vendre ses œuvres qui fait qu’on se sent artiste ?

Non, c’est ne plus avoir d’enfant à la maison. Tu te dis tu es à toi. La liberté ca va être de passer des heures à peindre. Qui peut s’offrir ca ?

Est-ce que ça change les perspectives ?

J’ai ressorti du placard ce que j’ai déjà créé et que j’avais pensé comme une fin en soi. La première étape, c’est de restaurer le livre que j’ai fait aux Beaux-arts. Je cherche un éditeur pour le publier parce que ce livre est très beau et moi-même en tant consommatrice j’aurais envie de l’acheter et j’ai bien vu qu’il a pas mal de gens qui l’achèteraient aussi. C’est dommage de ne faire les choses que pour soi. Ensuite j’aimerais vraiment dégager du temps pour peindre. Ce qui implique de passer moins de temps avec l’Atelier de créativité. Il faut que je m'octroie du temps, mais je vois bien que c'est très difficile pour moi.

Propos recueillis par / ©Bigorre.org / publié le

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