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Jacques Place (Bagnères-de-Bigorre)

La renaissance de la peinture de Jacques Place

Après quelques mois ou sa vue s’est dégradée, Jacques Place retrouve l’acuité qui lui permet de reprendre la peinture. Avec un regard tout neuf sur son oeuvre.

Jacques Place davant <q>Le grand silence</q> dans son atelier-exposition de Bagnères-de-Bigorre/ Stéphane Boularand (c)Bigorre.org

Jacques Place davant Le grand silence dans son atelier-exposition de Bagnères-de-Bigorre/ Stéphane Boularand (c)Bigorre.org

Trente ans de peinture. Des carcasses de voitures gagnées par la rouille, des rues de Collioure aussi sinueuses que désertes, et de superbes paysages de montagne habités par la sensation que dégagent les Pyrénées quand on est seul au milieu du massif. Une peinture qui fourmille de détails pour aller au-delà du détail et faire apparaitre une atmosphère, presque une odeur, et in fine un peu de la magie qui l’habite. Un peintre riche de décennies de peinture qui a été privé pendant quelques mois de la pratique de son art par des yeux qui ne permettaient plus de peindre. Rencontre avec un peintre au moment ou il est prêt à renaitre artistiquement.

Vos problèmes de vue sont résolus ?

Oui, et vous tombez vraiment bien car ça signifie que la vie reprend. Et l’envie de peindre et de travailler à nouveau est en train de s’intensifier.

La nature semble occuper tout votre espace. C’est un sujet qui s’impose ?

Ces paysages, c’est d’abord ma terre natale. Je dirais même que c’est mon sacré. La nature c’est mon temple. C’est là que je me ressource, que je me régénère, que je m’inspire. La nature à toujours été dans ma peinture quelque chose d’important. J’essaie de traduire un sentiment de la nature, pas la nature elle-même. Les émotions qu’elle me fait vivre, l’état dans lequel elle me met. Ca m’épure de me trouver dans un décor vierge et naturel.

Une nature sans trace d’être humain. C’est une nature avant l’arrivée de l’homme ?

C’est une nature comme on la vit quand on fréquente à la montagne. On découvre des paysages originels, qui n’ont pas été modifiés, ni abîmés par l’homme. Ils sont comme ils étaient bien avant l’apparition de l’homme sur terre. Sur l’échelle de l’histoire de la terre, l’homme n’existe que depuis une fraction de seconde. C’est la magie de la montagne de montrer ces paysages originaux.

Et avant la nature, c’étaient des voitures rouillées que la nature regagne quand l’homme les abandonne.

Effectivement j’ai une toute une période ou la mathématique n’était pas la nature mais plutôt une espèce d’archéologie de mon époque. Des vestiges d’une période de ma vie. Les voitures étaient celles de mon enfance que je retrouvais en épave au fond d’un champ ou au bord d’un chemin. Un regard nostalgique et une réflexion sur l’éphémère de notre vie. On laisse quelques traces et puis elles s’effacent. Notre époque ne laissera que des traces éphémères.

Et que le retour de votre vue va changer votre peinture ?

Très certainement parce que c’est une rupture. Ca n’était jamais arrivé dans ma vie alors que j’ai commencé à peindre à 20 ans. J’ai fait ma première expo en 75 et je n’ai plus cessé depuis. Avec pour seule exception la période où j’ai construit ma maison. Un tableau m’a mené au suivant et ainsi de suite, comme un cheminement naturel. Il y a eu des ruptures de thème comme avec la période des machines. A un moment donné je me suis dit ça y est je fais le tour. Après les machines, je suis passé à revues à l’architecture. Plutôt médiévale parce que c’est la période qui me touche beaucoup dans les traces humaines. Et par la suite je suis revenu à la nature comme une sorte d’évidence. Maintenant Je pense que j’ai envie de choses beaucoup plus profondes. Peut-être que je vais retourner dans des choses très symboliques. Mais il faut qe ça murisse et que ça s’impose à moi. Ce’est pas moi qui commande, je me laisse guider par un je ne sais quoi qui décide pour moi.

Quel regard portez-vous sur vos oeuvre après ces mois de repos forcé ?

J’avais l’impression de voir plusieurs vies. C’est assez dérisoire car ma vie peut se résumer un bouquin. Il y a plusieurs chapitres, autant que de périodes de ma vie.

On sait combien la vue et ses maladies changent la peinture, font la peinture comme pour Monet. Est-ce que les dernières peintures étaient empreintes de votre vue déficiente ?

Oui cet été je pouvais plus peindre et je me suis mis au pastel. J’ai fini à faire des choses qui étaient quasiment abstraite. C’était ma déficience qui me qui m’imposait de faire ça parce que je n’étais pas capable de faire autre chose. J’ai trouvé un intérêt parce que même si j’avais aboli la forme, il me restait quand même l’ombre, la lumière et la couleur pour travailler. C’est la découverte d’un nouveau chemin qui m’intéresse beaucoup. C’est oser aller dans quelque chose de plus libre et plus spontanée.

Vous avez recommencé à peindre ?

Non, pas encore, mais c’est en train de germer. Il faut que les idées s’installent et que ça devienne une envie pressante. Pour le moment il y a un empilement de choses matérielles qui m’accapare. Il faut que je sois libéré de tout ca pour peindre. Ce qui est probable c’est que je vais repartir à l’huile, avec les techniques de la Renaissance et des flamands en particulier. Mais aussi le tempo imposé des séchages entre les couches. J’ai adapté ces techniques à l’acrylique à cause de l’impatience de la jeunesse sans doute. La, ca prendra le temps nécessaire. J’ai le temps.

Propos recueillis par / ©Bigorre.org / publié le

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