Des images de montagne, des paysages désertés par l’humain. Des forêts merveilleuses et inquiétantes. Des vidéos nourries par une vision artistique qui plante profondément ses racines dans la mémoire ancestrale des légendes pyrénéennes. C’est avec cet univers que Flo Théas Bays a reçu le public rue Desaix à Tarbes il y a un mois pour la Journée des Ateliers d’Artistes d’Occitanie organisée par la région. Rencontre avec une artiste qui en lointaine descendante des surréalistes comme Man Ray, utilise les outils de captation du réel pour révéler l’invisible et l’immatériel.
Pourquoi choisir la photo et la vidéo qui prétendent capter la réalité pour montrer un univers invisible ?
Mais je trouve ça intéressant justement de dépasser la réalité. Je travaille l’image pour flouter un peu, garder un peu de douceur et lui enlever ce côté rendu extrême de la réalité. J’ai commencé par une école du cinéma parce que j’étais cinéphile et que j’avais envie de savoir comment faire pour exprimer quelque chose avec ce langage. J’ai été assistante caméra pendant près de cinq ans et j‘ai évolué vers la réalisation et l’écriture de scénario. Mais la lourdeur du processus me gênait et je suis revenu à une formule beaucoup plus légère. J’ai ma caméra mon pied et je peux aller faire une performance quelque part au fond des bois. Je n’ai besoin de personne pour m’accompagner et je peux fonctionner totalement en autonomie.
Qu’avez-vous montré au public de la Journée des Ateliers d’Artistes d’Occitanie ?
J’avais remonté une installation réalisée en résidence l’année dernière à Gerde qui s’appelle Era Hada, c’est la fée en gascon. J’ai travaillé cette figure de la fée qu’on retrouve dans beaucoup de légende avec une projection sur un drap de lit qui amène le jeu de transparence du pays des rêves. C’était la première performance de la résidence qui a donné le ton pour le reste.
La vidéo a été tournée à cette occasion ?
Ca a été tourné au niveau du pic de la Clique à Germs-sur-l’Oussouet, un col qui relie la vallée d’ou je viens à la Vallée de Bagnères ou j’étais en résidence. Je suis tombée sur ce rocher avec ce paysage derrière. J’avais envie de chorégraphier l’instant et cet archétype de la fée en transparence dans le paysage avec ce voile. Elle apparaît, mais est-ce qu’on est vraiment sûr de l’avoir vu ? A partir de ce de ce montage, j’avais envie de continuer à travailler sur cet archétype. J’ai reproduit dans une bassine de cuivre la Fontaine de Crastes, avec un miroir qui fait un jeu de lumières sur les sténopés au-dessus.
Que voulez-vous capter ?
La forêt que je prends en photo ou la montagne, c’est des lieux de légende, qui sont à la frontière du monde du rêve, du monde de personnages légendaires et d’entités naturelles. C’est très flou en fait. J’essaie de capturer avec l’objectif de ma caméra ou sur du film photo. J’essaie de rendre visuelles des choses qui ne le sont pas et matérialiser l’immatériel. Des choses spirituelles, des constructions de l’esprit, ce que les ancêtres pensaient percevoir. J’essaie de matérialiser quelque chose qu’on ne voit pas à l’oeil nu mais qu’on perçoit avec des sensations corporelles. La technique du sténopé m’intéresse parce qu’il n’y a pas d’objectif pour focaliser la lumière et les temps de pause sont assez longs. Ca permet de révéler un instant qui a jamais existé dans la réalité. Je matérialise par l’image ce que les récits et les légendes matérialisent par le verbe.
Pourquoi ce pseudonyme de Flo Théas Bays ?
Mon vrai prénom, c’est Floriane donc Flo parce que tout le monde m’appelle comme ça. La suite, c’est des noms de ma famille. Théas, c’est le nom de jeune fille de ma grand-mère. Ca renvoie aussi à la déesse en grec Théia. Et Bays c’est le nom de jeune fille de mon arrière-arrière-grand-mère paternelle. C’est aussi le nom d’une arrière-arrière-grande-tante Sainte Marguerite Bailly qui a été canonisé par le pape l’année dernière. Des noms de jeune fille de femmes de ma famille avec des éléments qui ramènent à ce qui est divin, sacré et féminin. C’est complètement lié à mon travail.