Les aphorismes recueillis au pied du zinc par Jean-Marie Gourio fusent à un rythme soutenu. Ca parle de tout, de rien. Du temps qu’il fait, de l’actualité. « Ils ont dit qu’il allait pleuvoir et ils l’ont fait » ou « c’est bien pour la France que les Américains ils aient un président antillais ». Et puis sans que rien ne nous l’annonce on change de registre. « Est-ce que c’est la même mémoire qui sert pour les numéros de téléphone et pour les camps de concentration ? ». On est déjà au cœur des Nouvelles brèves de comptoir.
On les avait découvert à la fin des années 80 avec la série « Palace » de Jean-Michel Ribes ou Jean Carmet, accoudé au comptoir, nous assénait quelques saillies tout aussi définitives que loufoques. « Il faut pas trop parler le matin sinon l’après-midi on sait plus quoi dire ». Vingt ans plus tard le vin triste a laissé la place à la gaîté de l’ivresse pour un près de deux heures d’un spectacle rythmé par les changements de costumes et de décors. On y savoure d’abord l’humour brut de décoffrage. Ils nous parlent d’amour, de la vie, de la mort. Des cons, de l’actualité. Ils nous livrent leur racisme ordinaire, leur vision de la politique. On peut se contenter de ce plaisir simple tant qu’il y a une distance entre nous et ces piliers de bar. Mais il suffira de s’élever un peu au dessus du niveau du comptoir pour réaliser que ces petites touches ont progressivement formé un portrait pointilliste d’une implacable précision.