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Politique culturelle / élections européennes en France 2024 / Nathalie Arthaud

Nous avons interrogé Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière) qui candidate aux élections européennes en France sur son projet de politique culturelle.

Questions aux candidats aux élections européennes en France

Nous avons contacté les candidats aux élection européennes pour les interroger sur leur vision d'une politique culturelle européenne

  • Doit-on aller vers davantage de politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?
  • Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?
  • Est-ce que vous soutenez le programme « Europe créative » (2021-2027)
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?
  • Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?
  • Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Réponse de Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)



Monsieur,

Vous nous demandez quel est notre projet de politique culturelle dans ces élections. Nous n’en avons à proprement parler. Mais ce n’est absolument pas parce que nous nous désintéressons de cette question. Bien au contraire. Nous sommes communistes révolutionnaires et nous pensons que tant qu'on ne renversera pas cette société d'exploitation où une minorité de capitalistes contrôle toute la vie économique et sociale, la culture restera un luxe réservé aux plus riches.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut en priorité remettre en cause la dictature des grands groupes industriels et financiers. Il faut que les travailleurs puissent diriger la société à la place de cette classe capitaliste afin de pouvoir organiser l’économie en fonction des besoins de l’ensemble de la population.

Le mouvement ouvrier révolutionnaire, parce qu’il militait dans cette perspective, a toujours eu à coeur de cultiver les travailleurs, ceux qui étaient écartés de la culture, de les instruire pas seulement politiquement, mais aussi en leur donnant la plus grande ouverture possible sur le monde et la culture de leur époque était une évidence pour des générations de militants.

Nous avons aujourd’hui cette même volonté. Selon nous, l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes et pour cela, il faut élever le niveau de conscience et de culture. Il faut comprendre l’évolution des sociétés, connaître leur histoire, celle des civilisations et leurs apports.

La culture de chaque époque est forcément marquée par la société de classe qui l’a fait jaillir, elle est aussi la somme des connaissances acquises par l’humanité à travers les siècles. C’est un bien précieux, riche, divers dont sont écartées les classes populaires.

La vie culturelle demeure en effet pratiquement inaccessible au plus grand nombre. C’est une réalité dans l’ensemble de l’Union européenne, et dans le monde. Nous voulons donner aux classes populaires, aux travailleurs, confiance en eux-mêmes, en leurs propres capacités, cela passe par leur appropriation des connaissances culturelles accumulées, depuis des décennies, d’un bout à l’autre de l’Europe et du monde. Dans ce domaine comme dans tous les autres, nous sommes contre toutes les frontières.

L’action du parlement européen ne va absolument pas dans ce sens. Transmettre au plus grande nombre les connaissances signifierait en effet y mettre des moyens financiers et humains, embaucher massivement des enseignants, multiplier les lieux de culture et les rendre gratuits ainsi que les moyens de transport pour s’y rendre.

Le programme « Europe créative » (2021-2027) dont vous parlez prévoit un certain nombre de mesures telles que la traduction et la promotion d'oeuvres littéraires dans toute l'UE, pour ne citer que celle-ci, et le soutien à des projets de protection de l'architecture et du patrimoine, ou encore à des festivals du cinéma européen et du secteur de la musique. Il y a certes des mesures que nous pourrions soutenir. Mais ce programme est très loin d’une politique permettant l’accès à la culture des classes populaires. Et pour cause. La politique éducative au sens large qu’il faudrait mettre en oeuvre va à l’encontre de la réduction drastique des postes dans l’éducation en France et partout en Europe. Les priorités sont ailleurs pour les dirigeants européens : avec l’augmentation de tous les budgets militaires dans tous les Etats européens, ce sont des milliards qui manquent partout pour la santé et l’éducation.

Vous demandez comment associer politique économique et politique culturelle dans l’Union européenne. Nous disons que c’est justement là aussi que le bât blesse. La culture dans cette société capitaliste est une marchandise. Le marché de l’art, du disque, du livre ou du spectacle n’échappe pas au contrôle des grands groupes. Les firmes exigent que leurs artistes soient écoutés ou vus par un public payant et payant cher. Elles visent avant tout leurs profits. Tant pis donc pour ceux qui ne peuvent pas payer, tant pis pour les artistes qui ne rapportent pas assez. Cela représente un gâchis évident de talents et de curiosités non satisfaites. La créativité est étouffée par la nécessité pour les artistes de devoir vendre leurs oeuvres pour vivre. Il faudrait réinventer les rapports entre l'art et la société mais tout cela n'est possible que dans une société qui ne soit plus régie par la loi du marché.

Imposer de tels choix, cela veut dire heurter les intérêts des grands groupes capitalistes qui dominent la société et se gavent d’argent public. Des élus au parlement européen pourraient tout au plus y faire entendre une autre voix, d’autres choix. Ce sont les travailleurs, ceux de la culture compris, qui font tout fonctionner dans la société. Ce sont eux qui peuvent imposer qu’elle tourne autrement, au service de tous. Ce sont eux les mieux placés pour la diriger.

Pour résumer, nous dirons que l'accès pour tous à la culture est indissociable du combat pour transformer la société, pour l'affranchir de la domination des puissances d'argent et pour mettre fin aux inégalités sociales. C’est le sens de notre présence dans cette campagne européenne.

Bien cordialement,


Nathalie Arthaud et Jean-Pierre Mercier

Réponse publiée le lundi 3 juin 2024