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Politique culturelle / élections européennes en France 2024 / Marie Toussaint

Nous avons interrogé Marie Toussaint (EELV) qui candidate aux élections européennes en France sur son projet de politique culturelle.

Questions aux candidats aux élections européennes en France

Nous avons contacté les candidats aux élection européennes pour les interroger sur leur vision d'une politique culturelle européenne

  • Doit-on aller vers davantage de politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?
  • Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?
  • Est-ce que vous soutenez le programme « Europe créative » (2021-2027)
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?
  • Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?
  • Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Réponse de Marie Toussaint (EELV)

Marie Toussaint
Marie Toussaint

Doit-on aller vers une politique culturelle européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?

La culture est au coeur même du projet européen, dans toute sa diversité et avec l’apport de toutes les populations, anciennes et récentes. Nous partageons non seulement une histoire et un patrimoine, mais des imaginaires, passés, présents et futurs.

À l’heure où sont menacées les libertés de création et d’expression dans plusieurs pays européens, il nous semble essentiel d’affirmer ce rôle essentiel et transversal de la culture. Cela implique un soutien accru à la diversité culturelle sur l’ensemble des territoires, avec une attention particulière aux expressions des personnes marginalisées géographiquement et/ou socialement.

Cela exige également la mise en oeuvre des droits culturels dans toutes leurs dimensions : liberté d’expression et de création, et capacité pour tout·e citoyen·ne de l’Union européenne de participer à la vie culturelle, sur son territoire de vie, mais aussi ailleurs.

Nous voulons également défendre l'exception culturelle (pas uniquement « française » mais européenne, et notamment face aux plateformes de streaming c’est-à-dire les quotas de diffusion audiovisuelle qui encouragent les soutiens de la production, des lois qui préservent les acteurs indépendants telle que la loi sur le prix unique du livre, la protection des artistes et des technicien.nes (articles 8 et 10 de l’assurance chômage) et du droit d'auteur et le modèle économique des exclusivités territoriales.

Nous souhaitons que les modèles de politiques culturelles s‘enrichissent mutuellement et que le principe de mieux disant culturel s’applique.

Quel regard avez-vous sur l’action du Parlement européen sortant dans le domaine culturel ?

Le précédent mandat a vu une forte mobilisation sur les enjeux liés au numérique et à l’économie du contenu. Face aux plateformes, aux nouvelles formes de diffusion et d’accès aux biens culturels, posent de nouveaux enjeux en matière de structuration économique du secteur, de la rémunération de chacun.e et de l’accessibilité, de la diversité et des mécanismes de recommandation des contenus.

Si l’Union, par sa taille continentale, a pu imposer des régulations aux géants du numérique, nous devons aller plus loin. La constitution de monopoles, parfois plus puissants que les États, constitue un risque démocratique. Quel que soit le nom qu’on leur donne, face aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ou aux « Sept Fantastiques », nous voulons nous orienter vers une économie numérique basée sur des acteurs multiples et guidée par des principes de partage et de collaboration. C’est pour cela que nous souhaitons soutenir le développement d’alternatives européennes en sortant de la logique de géants oligopolistiques, avec des investissements européens ciblés vers la souveraineté numérique européenne, le développement de logiciels qui nous soient propres et la contribution des acteurs du numériques à la transition juste.

Dans le cadre d’un rapport d’initiative, les Écologistes au Parlement européen ont demandé un cadre global sur la situation sociale et professionnelle des artistes et des professionnels du secteur culturel et créatif avec une définition large de “secteur culturel et créatif” en référence aux recommandations de l’UNESCO. Nous avons également demandé aux Etats-membres d’appliquer les recommandations de l’UNESCO concernant le statut des artistes (dont ils sont tous membres signataires) et que la portabilité des droits soit mieux organisée notamment sur les échanges électroniques entre les sécurités sociales et le pass européen de la sécurité sociale. Il y a un enjeu à ce que les artistes qui travaillent dans différents pays puissent bénéficier facilement de l’ensemble de leurs droits sociaux.

Est-ce que vous soutenez le programme Europe créative (2021-2027)

Oui, et au-delà, nous souhaitons mettre en place une politique culturelle européenne en articulant les différents instruments d’intervention autour d’objectifs communs et définis en impliquant les parlementaires et des représentants des mondes de la culture. Ces objectifs doivent garantir la diversité culturelle (dans la production et la distribution), intégrer la mise en oeuvre des droits culturels et l’accompagnement de la transition écologique du secteur culturel (infrastructures, fonctionnement).

Europe Créative est un programme trop concurrentiel et trop sélectif. Le budget devrait être largement augmenté de manière à encourager encore plus la coopération et les actions communes entre acteurs culturels de l’UE. L’accompagnement des porteur.ses de projet doit être aussi renforcé, au-delà des Europe créative Desks.

De plus, la place de la culture dans la politique régionale de cohésion doit être plus affirmée et mieux identifiable, afin de permettre aux porteur.ses de projet d’accéder plus facilement aux fonds structurels gérés par les Régions en France. De plus, un réseau de correspondants locaux pourrait accompagner l’accès à l’ensemble des financements disponibles pour la culture et faciliter les questions épineuses de trésorerie qui fragilisent les organisations culturelles.

Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?

L’action de l’UE doit être multiple, elle doit également être en complémentarité avec celles des Etats-membres, la culture étant une compétence d’appui de l’Union.

L’Union doit continuer à porter l’exception culturelle et la diversité culturelle dans les négociations commerciales afin de protéger les modèles de service public de la culture dans les Etats-membres. Au-delà, c’est l’ensemble de notre politique commerciale qu’il faut revoir. Nous devons passer au juste échange, sur des principes de solidarité, d’égalité, de coopération, de soutenabilité et de démocratie.

Nous avons également un enjeu majeur à intégrer la juste rémunération des artistes et des professionnel·le·s du secteur dans les lois de réglementation des plateformes (notamment de streaming ou musicale) ainsi que la transparence des algorithmes de recommandation que cela concerne les plateformes ou les télévisions connectées (télécommande, EPG ou applications).

L’Union européenne doit affirmer son rôle de protection sociale : inscrire le plancher social et le socle des droits sociaux dans le coeur des objectifs de l’Union nous permettra de développer une protection sociale minimale. Ceci participera également à protéger les artistes-auteurs, leur statut et leur condition d’existence. De plus, l’égalité salariale (femme-homme notamment, mais aussi pour les groupes marginalisés) doit s’appliquer. Les conduites délictueuses doivent être dénoncées et sanctionnées (#MeToo) : on ne peut pas être mise en danger dans l’exercice de son métier.

Le développement rapide des nouvelles technologies numériques, mais aussi les transformations de l’économie de l’information et de la structuration des médias soulèvent des enjeux cruciaux. Les évolutions technologiques doivent répondre à nos besoins et servir les intérêts de la société et pas uniquement les intérêts privés. Les citoyen·ne·s doivent pouvoir choisir leur avenir numérique à travers l’usage des services en ligne et des outils et en étant protégé·e·s des violations de leurs droits et libertés. La liste Europe Ecologie propose ainsi de garantir une réactivité législative en matière d’intelligence artificielle (IA) en créant une instance de suivi des innovations technologiques et une réadaptation rapide du cadre réglementaire en la matière. Cette gouvernance, composée d’expert·e·s, parlementaires et de citoyen·ne·s, devra à la fois s’assurer de la non-obsolescence des textes européens, mais aussi déclencher des alertes en cas de déploiements technologiques non conformes avec les objectifs environnementaux et la défense des droits humains.

Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?

Comme évoqué précédemment, la question d’un accompagnement au plus près des porteurs de projet est essentielle. Elle l’est aussi dans l’accompagnement des publics avec le rôle central de la médiation culturelle et de l’éducation artistique, culturelle et scientifique. Cet axe devrait être renforcé dans le programme Europe Créative et faire l’objet d’un volet spécifique.

La liste Europe Ecologie souhaite également encourager un parcours éducatif et culturel pour tous·tes les jeunes avec une expérience de mobilité significative : que ce soit dans le cadre de leurs études, dans le cadre d’un volontariat, d’un apprentissage ou d'un stage, en collectif ou en individuel. Ceci contribue à faire découvrir les cultures et la diversité culturelle européenne et d’accompagner chaque jeune en fonction de son projet et de son envie.

Les fonds structurels européens permettraient aussi d’aider au financement de l’élaboration des projets culturels de territoire co-construits au regard des droits culturels avec les responsables publics, les organisations professionnelles et les habitant.es facilitant ainsi l’accès aux programmations et la participation à la vie culturelle.

Enfin le succès d’ARTE, mais sa trop faible écoute, conduit à imaginer la création de webmedias éducatifs européens associant la communauté éducative et les producteurs culturels pour une plus grande diffusion d’émissions de contenu européen.

Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?

L’histoire de l’Europe est d’abord une histoire économique et surtout un projet de paix reposant sur la coopération économique de ses États membres. Mais le défi qui est le nôtre aujourd’hui réside, non plus dans la quête et l’optimisation d’un marché unique, mais aussi et surtout dans la préservation d’un espace écologiquement sûr et socialement juste, dans lequel chaque citoyen et citoyenne peut s’épanouir et prospérer sans voir son existence menacée. L’heure est donc au retour de la question centrale de l’économie politique : la justice. Car un projet économique européen aveugle aux injustices, sociales et environnementales, est un projet mortifère. Il en va de même pour la politique culturelle européenne. L’économie doit être au service du projet politique que nous voulons porter.

La culture transforme les imaginaires : elle est une formidable clé pour déverrouiller le monde de demain, un monde de justice sociale et de justice écologique. La culture a un rôle à jouer contre l’éco-anxiété qui mène à l’inaction. Elle nous permet de renouer avec le sensible, de nous émerveiller à nouveau. C’est là aussi que l’Union européenne doit investir pour permettre aux artistes de proposer d’autres imaginaires. Le programme New European Bauhaus doit maintenant trouver une traduction budgétaire puisqu’il a été conçu comme le volet sociétal et culturel du Pacte vert européen.

Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Les soutiens de l’Union européen à la politique culturelle sont multiples et passent par différents canaux. Les financements apportés par les fonds de développement régional (FEDER) pour rénover une médiathèque ou construire un établissement culturel sont aussi des soutiens indéniables de l’Union. Est-ce que cette action dans sa globalité est perçue par l’ensemble des citoyens ? Probablement pas. Ce n’est pas la seule politique de l’Union qui n’est pas très visible. L’enjeu est surtout celui du choix démocratique sur ces politiques.


Marie Toussaint

tête de liste Europe Écologie pour les élections européennes de 2024.

Réponse publiée le Sunday, May 26, 2024