Nous avons interrogé Georges Kuzmanovic (République souveraine) qui candidate aux élections européennes en France sur son projet de politique culturelle.
Questions aux candidats aux élections européennes en France
Nous avons contacté les candidats aux élection européennes pour les interroger sur leur vision d'une politique culturelle européenne
- Doit-on aller vers davantage de politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?
- Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?
- Est-ce que vous soutenez le programme « Europe créative » (2021-2027)
- Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?
- Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?
- Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?
- Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?
Réponse de Georges Kuzmanovic (République souveraine)
Doit-on aller vers une politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?
Vous touchez là à la grande difficulté de la construction européenne : les peuples européens ont des conceptions différentes dans bien des domaines, qu'il s'agisse de laïcité, de politique industrielle, de modèle social, mais aussi de politique culturelle. La France est le pays qui a inventé avec Malraux le premier ministère de plein exercice consacré à cette politique - qui plus est confié à un des rares amis personnels du Général de Gaulle. Dans les autres pays, on en est loin ; on voit bien ce que cela a donné dans le domaine du cinéma : la France est le seul pays européen à avoir conservé un écosystème vivant. Pour l'instant, la politique culturelle n'a pas été soumise aux principes de Maastricht, mais la sacro-sainte "concurrence libre et non faussée" pourrait là aussi s'appliquer demain, pour le plus grand profit du capital rentier et pour la ruine de l'économie réelle - exactement comme dans les autres domaines de l'économie.
Dans ces conditions, nous plaidons s'agissant de ce secteur - comme de tous les autres - pour une Europe de la coopération, en remplacement de l'Europe de la concurrence. Nous pensons que chaque pays a sa sensibilité et doit légitimement l'exprimer dans la politique qu'il mène, même si cela n'empêche nullement les Européens de trouver des projets communs dans lesquels ils choisissent d'unir leurs forces.
Quel regard avez-vous sur l'action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?
Le Parlement européen est à la fois une institution très importante et une parodie. Il usurpe clairement le nom de Parlement, au sens où un parlement dispose en théorie du pouvoir législatif et du pouvoir budgétaire - ce qu'il n'a que sous la forme d'une "chambre d'enregistrement" : il ne peut que valider ce qu'on lui propose. C'est vrai pour la culture comme pour le reste.
En revanche, c'est une chambre d'écho importante ; c'est donc ainsi qu'il se distingue, en offrant une tribune non négligeable à différentes voix plus ou moins légitimes. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons y accéder : nous voulons utiliser cette tribune et certains pouvoirs de contrôle pour agir sur le débat public, tout en votant, le peu de fois où c'est possible, contre les orientations catastrophiques de l'UE. Concernant la culture, nous défendrons la vision que nous avons définie plus haut : celle d'une politique forcément nationale qui puisse construire de belles coopérations intergouvernementales comme Erasmus dans le domaine de l'éducation.
Est-ce que vous soutenez le programme « Europe créative » (2021-2027)
La grande majorité des programmes européens sont un gigantesque gâchis d'argent : administrés depuis Bruxelles par une administration surpayée, pléthorique et inefficace, ils se transforment sur le terrain en une gigantesque usine à gaz qui fait fuir les projets réellement intéressants tout en favorisant les organismes institués, installés et disposant de tous les contacts. A la fin, ce sont les technocrates de Bruxelles et les cabinets de conseils qui se gavent, plus quelques petits malins localement, de cet argent public qui manque cruellement là où on en aurait besoin : services publics locaux, projets dans l'éducation nationale, établissements culturels et entretien du patrimoine mis à l'os par les économies sur le budget de l'Etat. La créativité ne se "gère" pas à travers des appels d'offres !
Quelle doit être l'action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?
Ne rien faire ! La force de la culture européenne est précisément sa diversité, qui prend racine dans le foisonnement de langues, d'histoires, de traditions qui peuvent néanmoins dialoguer entre elles car elles ont en partage des références communes (la Grèce, Rome, le Moyen-âge chrétien, la Renaissance...). C'est sans comparaison avec les autres continents. "La langue de l'Europe, c'est la traduction", disait Umberto Eco : on ne saurait mieux dire. C'est la diversité et le dialogue - le contraire d'une uniformité imposée.
SI nous disons par boutade qu'il ne faut pas que l'UE agisse dans ce domaine, c'est qu'elle a une fâcheuse tendance à imposer l'uniformité - soit selon le principe du plus petit dénominateur commun, soit en suivant le modèle anglo-saxon .
Donc si nous pouvons rêver la politique culturelle d'une Europe qui serait réellement européenne, celle-ci s'attacherait à faciliter le dialogue, la circulation, l'émulation, sans chercher à imposer un seul modèle par la subvention ou le conformisme culturel. Favoriser des résidences de jeunes artistes dans les pays voisins, mais sans élitisme, favoritisme ni sélection idéologique. Pourquoi pas des "compagnons du tour d'Europe" de l'art ?
Quelle doit être l'action de l'UE pour favoriser l'accès à laculture des citoyens européens ?
Ne rien faire ! Là encore, nous parlons de l'UE telle qu'elle est, celle des critères de Maastricht, qui considère que tout euro dépensé est un mauvais euro - sauf s'il s'agit d'enrichir le capital. L'accès à la culture des citoyens nécessite au contraire la survie des institutions traditionnelles de transmission de la culture, qui ont besoin de financement sur le long terme, pas d'appels à projets ineptes, coûteux et chronophages. Une Europe européenne, une Europe de la coopération pourrait aider des initiatives locales de diffusion de la culture, mais sans paperasse ni sélection idéologique, mais avec la nécessité de s'ouvrir aux autres cultures européennes. Il faut réclamer des mesures protectionnistes sur le modèle français également pour les autres pays de l'UE, car leur culture est complètement avalée par les industries culturelles étrangères notamment états-unienne. Le patrimoine architectural et artistique n'est plus entretenu, et les œuvres fondatrices de la culture européenne, plus assez mises en avant, ce qui ne favorise pas l'accès des citoyens à leur propre culture et ne peut qu'handicaper la création.
Comment associer politique économique et politique culturelle de l'UE ?
Vous l'avez compris, nous sommes opposés au dogme du libre-échange qui détermine la politique économique de l'UE depuis Maastricht. Une politique économique réellement européenne pour nous ressemblerait à un protectionnisme européen et national associé à une politique industrielle visant à garantir l'autosuffisance du continent - nous en sommes loin !
Si le néolibéralisme qui caractérise la politique européenne actuelle est contradictoire avec l'idée d'une politique culturelle, car il considère que tout doit être soumis à la loi du marché, notre vision plus raisonnable est parfaitement compatible avec l'idée que le politique a son mot à dire dans ce domaine, comme dans les autres.
Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?
L'action culturelle de l'UE pour les citoyens se résume à un logo sur les panneaux annonçant une restauration de monument ou un festival. Une manne extorquée aux contribuables par Bruxelles qui descend - non sans avoir été captée par de nombreux intermédiaires - vers les territoires.
Dans ce domaine comme dans le domaine agricole, il est plus que douteux qu'un tel circuit, dicté plus par l'idéologie que par la rationalité, soit optimal. Saupoudrage et appels d'offres bureaucratiques : voilà ce que nous devons éviter à l'avenir !
Georges Renard-Kuzmanovic
Réponse publiée le vendredi 24 mai 2024