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Politique culturelle / élections européennes en France 2019 / Ian Brossat

Nous avons interrogé Ian Brossat (Parti Communiste) qui candidate aux élections européennes en France sur son projet de politique culturelle.

Questions aux candidats aux élections européennes en France

Nous avons contacté les candidats aux élection européennes dans le Sud-Ouest pour les interroger sur leur vision d'une politique culturelle européenne

  • Doit-on aller vers une politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?
  • Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?
  • Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?
  • Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Réponse de Ian Brossat (Parti Communiste)

 Réponse partielle à nos questions 

Ian Brossat
Ian Brossat

Programme "Culture" de la liste de Ian Brossat, pour le PCF

Proposition 1 : AFFIRMER LE PRINCIPE DU FINANCEMENT PUBLIC DES ARTS ET DE LA CULTURE

Le principe du financement public de la culture et des arts doit devenir un des axes fondamentaux de la construction européenne. Il s’agit bien de réaffirmer et de conforter la légitimité des aides publiques en faveur de la création artistique et de l’action culturelle, tous secteurs confondus.

Proposition 2 : CONFORTER LE PRINCIPE DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE

Le principe de la diversité culturelle, tel que les conventions l’UNESCO le définissent, est explicitement prévu par les traités. Ainsi l’article 3.3 du traité de l’Union européenne prévoit que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique » et l’article 167.4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union précise que « l’Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions des traités, afin de respecter

et promouvoir la diversité de ses cultures ». Ce principe fondamental doit devenir le coeur d’une construction européenne alternative. Les pays qui composent l’Union ont des politiques nationales diversifiées, qui doivent être respectées et soutenues par l’Union, notamment la diversité des soutiens publics des différents pays. Cela passe également par la possibilité d’obtenir tous les documents de l’UE dans les 23 langues de travail reconnues, principe accordé par les traités mais de plus en plus remis en cause dans la pratique.

Proposition 3 : SOUTENIR L’EXCEPTION CULTURELLE

L’exception culturelle, à ne pas confondre avec l’hypothétique « exception culturelle française », tout au plus spécificité culturelle d’une nation au même titre que toutes les autres, est l’exclusion des « biens et services » culturels des eaux glacées de la « concurrence libre et non faussée », en l’occurrence des accords internationaux, bilatéraux et multilatéraux. L’idée fait son chemin, puisque la ténacité des gouvernements canadien et mexicain a permis de conforter l’exemption culturelle dans le nouvel Accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. La réalité de la « diversité culturelle » en Europe et dans le monde ne peut être garantie qu’à cette condition. Dans un même ordre d’idées, la directive services, dont nous contestons par ailleurs la logique générale, a toutefois exclu de son champ d’application les services audiovisuels, ce qui va bien dans le sens de l’exception culturelle. Elle a néanmoins maintenu en son champ le spectacle vivant. Nous exigeons qu’elle l’exclue aussi.

Proposition 4 : TAXER LES GAFAM

L’Union européenne doit se doter d’une fiscalité spécifique à l’encontre des multinationales, en particulier des géants du numérique : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM), entre autres. Rien ne justifie que ces géants du net, le plus souvent non européens, puissent pratiquer l’évitement et l’optimisation fiscale. Les géants de l’Internet échappent de surcroît aux divers mécanismes de soutien. Ils devront être soumis à des obligations significatives en matière d’abondement aux divers dispositifs nationaux et européens d’aide à la création. La timide taxation envisagée par le gouvernement français non seulement n’est pas à la hauteur de l’enjeu, mais n’a de chance de produire des effets significatifs que si l’Union l’adopte et la généralise, à un niveau suffisant.

Proposition 5 : UNIFIER LA FISCALITÉ SUR LES BIENS CULTURELS

La fiscalité sur les biens culturels numériques doit être alignée sur la fiscalité en vigueur sur les autres biens culturels (livre, presse, fi lm, musique…) C’est déjà le cas pour la presse, dont les déclinaisons numériques (ainsi que les pure players) ont déjà vu leur taux aligné sur celui de la presse papier. Ce principe doit être généralisé. Il s’agira aussi de faire cesser le dumping fiscal par l’harmonisation de la fiscalité indirecte sur l’ensemble des biens culturels des différents États européens

Proposition 6 : ACCOMPAGNER LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE DES BIENS CULTURELS

Les grands opérateurs privés n’ont pas attendu : Netfl ix, Youtube (c’est-à-dire Google), Spotify, Deezer… pour ne citer que les principales plateformes de téléchargement et de streaming, ont envahi le marché et réalisent des profits considérables, tout en refusant obstinément de partager équitablement la valeur engrangée avec ceux qui la créent : auteurs, artistes-interprètes, producteurs indépendants. Depuis plusieurs années, les forces progressistes de France et d’Europe demandent que les pouvoirs publics permettent l’émergence de services culturels numériques indépendants des majors pour favoriser la création et le partage sur internet, qu’il s’agisse de la musique, du cinéma ou de l’audiovisuel, et permettant un juste partage de la valeur entre les différents acteurs de la filière, particulièrement les créateurs et interprètes. À ce titre l’Union européenne doit favoriser la création de plateformes publiques, équivalent numériques des médiathèques, permettant l’exposition de la diversité des oeuvres, des esthétiques, et des genres artistiques les plus fragiles. Les oeuvres sous licence libre y trouveraient un moyen de s’y exposer utilement. Ces plateformes pourront à terme être regroupées au sein d’un portail d’initiative publique, permettant ainsi un meilleur contrôle de l’équité du partage de la valeur, et une plus grande lisibilité de l’offre au service des citoyens de tous les pays de l’Union.

Proposition 7 : FAVORISER LA CIRCULATION DES ARTISTES

À l’instar du programme « Erasmus », qui permet chaque année à plusieurs milliers d’étudiant·e·s de toutes disciplines d’effectuer une année universitaire dans un pays de l’Union, nous proposons la création d’un programme de même nature au service des jeunes artistes de théâtre, cinéastes, plasticiens, écrivains, artistes-interprètes… L’Union européenne doit favoriser les échanges entre artistes et professionnels de la culture en Europe sur la base de la connaissance et du respect mutuel. En ce qui concerne les artistes hors UE, leur entrée et leur séjour en Europe pour l’accueil de leurs créations seront facilités. L’UE doit réagir face aux difficultés croissantes relatives à l’octroi de visas rencontrées par les artistes et organismes professionnels du secteur du spectacle vivant, notamment musical, travaillant à un niveau international lors de tournées ou résidences artistiques.

Proposition 8 : PÉRENNISER ET RENFORCER LE PROGRAMME EUROPE CRÉATIVE

Le programme Europe créative, qui concerne l’ensemble des secteurs de la culture et de l’audiovisuel, a été lancé pour la période 2014-2020 dans le but de renforcer la coopération culturelle européenne, le soutien à la création, à la diffusion, à la formation et aux échanges dans le domaine des arts vivants, du cinéma et de l’audiovisuel. Il constitue un certain progrès relativement à la période précédente, notamment en matière de lisibilité des dispositifs instaurés. Il souffre néanmoins d’un sous-financement récurrent : 1,5 milliard d’euros pour huit ans, soit un peu plus de 200 millions par an, somme dérisoire sur un territoire de 500 millions d’habitants ! Avec les autres dépenses culturelles de l’Union, cela représente 0,15 % du budget de l’UE, soit 40 centimes par habitant… Le jeudi 28 mars 2019, le Parlement européen a voté le doublement de la dotation d’Europe créative, une revendication portée notamment par le PCF et ses députés européens. Il reste encore à batailler aux niveaux de la Commission européenne et du Conseil européen pour que ces avancées soient vraiment prises en compte dans le programme final mais nous pouvons saluer une première victoire !

Proposition 9 : SOUTENIR LES TRAVAILLEURS DES ARTS, DES SPECTACLES ET DE L’AUDIOVISUEL

Le statut des artistes interprètes et des technicien·ne·s du spectacle et de l’audiovisuel est en Europe d’une grande disparité. Une grande majorité de ces professionnel·le·s sont dans une grande précarité en Europe. Sans espérer à court terme une hypothétique unification des différents statuts nationaux de ces travailleurs (salarié·e·s, « freelance », « auto-entrepreneurs », et autres « indépendants »…), leur précarité généralisée doit être compensée par des mesures spécifiques. À l’instar du régime de l’intermittence et de la présomption de salariat existant en France, l’Union européenne doit s’attacher à inciter les États à mieux protéger ces catégories et à les doter d’instruments sociaux de protection contre le chômage, pour le droit à la formation, l’assurance maladie-maternité, la retraite…

Proposition 10 : SOUTENIR LES AUTEURS DE TOUTES DISCIPLINES

Il en va de même pour les auteurs, qu’ils soient écrivains, plasticiens, compositeurs, scénaristes ou auteurs multimédias. Ils ne bénéficient quasiment pas des protections sociales minimales des salariés et sont aussi maltraités que les autres travailleurs « indépendants », de surcroît sur fond de remise en cause insidieuse du droit d’auteur. L’UE s’attachera, là aussi, à inciter les États à mettre en place en leur faveur des dispositifs de protection sociale adaptés, notamment en matière de formation, de rémunérations minimales et de sécurité sociale.


Réponse publiée le lundi 6 mai 2019