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Politique culturelle / élections présidentielles 2017 / Philippe Poutou

Nous avons interrogé Philippe Poutou (NPA) qui candidate aux élections présidentielles sur son projet de politique culturelle.

Questions aux candidats aux élections présidentielles

Votre regard sur de la politique culturelle conduite par le Président de la République François Hollande et des Ministres de la culture de ses gouvernements :

  • Est-ce que les objectifs affichés du candidat Hollande ont été atteints ?
  • Bilan et critique des initiatives conduites et du soutien aux structures actives.
  • L’action envers les plus jeunes, dans le cadre scolaire en particulier.
  • Est-ce que la part du budget consacré à la culture est suffisante ?
  • Est-elle bien utilisée ?
  • Loi Hadopi : que pensez-vous des usages et de la protection des oeuvres ?
  • Le rayonnement culturel de la France est-il suffisant ?

Votre projet culture :

  • Voudriez-vous conduire un projet dans la continuité ou en rupture avec l’action passée ?
  • Quelles évolutions ou même révolutions tant au niveau artistique qu’économique voudriez-vous impulser ?
  • Faut-il et doit-on dépenser plus dans ce domaine ?
  • Quel statut pour les professionnels, intermittents du spectacle ?

Réponse de Philippe Poutou (NPA)

Philippe Poutou
Philippe Poutou

Votre regard sur de la politique culturelle conduite par le Président de la République François Hollande et des Minitres de la culture de ses gouvernements :

Est-ce que les objectifs affichés par François Hollande lors de la campagne de 2012 ont été atteints ?

Non. C'est un des nombreux échecs du quinquennat. Malgré une augmentation de 5% en 2017, la moyenne sur l'ensemble du quinquennat sera négative.

L’action envers les plus jeunes, dans le cadre scolaire en particulier.

Il faut garantir l’accès à la formation et à la pratique artistiques. À l’école, il faut revaloriser les enseignements artistiques, et surtout accorder une égalité de moyens entre les établissements. Plus généralement, chacun doit avoir accès à une pratique artistique, quels que soient ses revenus : les conservatoires, les musées, les médiathèques, les cours municipaux, les ateliers d’écriture doivent être gratuits. Il faut encourager les pratiques amateurs en multipliant les lieux d’accueil (salles de répétition, lieux d’exposition, etc.).

Est-ce que la part du budget consacré à la culture est suffisante ? Est-elle bien utilisée ?

Non. Parce que la production culturelle est, dans le système capitaliste, régie par la loi du profit. Le résultat : une culture démagogique et uniforme est martelée au public, considéré comme un ensemble de consommateurs tout juste bons à payer, à des tarifs prohibitifs pour les catégories les moins favorisées.

Parce que les politiques publiques sont très en deçà des enjeux. Le budget du ministère de la Culture est en baissesur l'ensemble du quinquennat ; l’État précarise les artistes, et se désengage en reportant le coût de la culture sur les collectivités locales. Si certaines ont les moyens et la volonté de soutenir les activités culturelles, pour d’autres, ce sont des cinémas, des théâtres, des musées, des bibliothèques, des festivals qui disparaissent. Le recours au mécénat privé et au sponsoring se développe. Parce que la culture reste enclavée. L’envie de culture, ça se cultive. Ce qui n’est pas le cas quand l’enseignement des arts à l’école, réduit à la portion congrue, reste très inégalitaire ; quand les publics les plus en difficulté se sentent exclus de certaines activités culturelles, même gratuites ou peu coûteuses.

Loi Hadopi : considérez-vous que la protection des oeuvres est satisfaisante ?

Le NPA s'est toujours clairement prononcé contre HADOPI : injuste et inefficace, HADOPI est surtout totalement déconnecté de la réalité et non seulement n'assure en aucun cas des revenus justes aux artistes et techniciens (et pas seulement aux "gros et reconnus"...), mais surtout acte de fait, dans une période de crise dans laquelle les biens culturels sont souvent les premiers sacrifiés faute de pouvoir d'achat, la primauté du commerce sur les échanges culturels. C'est pourquoi il faut non seulement l'abroger, mais revenir au fond du problème. Nous proposons une licence "égale", qui permettrait ainsi de répondre aux trois questions posées par les échanges culturels sur internet : la rémunération, l'accès à la culture pour toutes et tous, et la question du financement.

Cette licence égale repose sur deux grands principes : maintien de l'exception pour copie privée des internautes et protection de la rémunération des artistes et techniciens.

Elle serait financée majoritairement par l'instauration d'une taxation sur le chiffre d'affaire des grosses majors de l'entertainment, fabricants de matériel informatique, opérateurs de télécoms et fournisseurs d’accès qui, en gagnant des abonnés à coup de publicité sur le haut débit, sont les principaux bénéficiaires des échanges, légaux ou non, des oeuvres, et ce afin de compenser les ayants droit pour le manque à gagner occasionné par le téléchargement dit illicite.

Concernant la répartition de cette taxe entre les ayant-droits, précisons tout d'abord que nous sommes contre la patrimonialisation de ces mêmes droits : un salarié ne fait pas hériter ses descendants des bénéfices de sa production, et ce sont les futurs salariés de son secteur qui bénéficient de son apport. Même chose ici donc, où les droits post-mortem générés par un artiste serviraient à alimenter un fond d'aide aux artistes fragiles et/ou émergents.

Ce qui répond à votre question suivante sur la réforme du droit d'auteur : oui, nous sommes pour une réforme du droit d'auteur, avec donc la fin de la patrimonialisation de ces droits. (la possibilité de transmettre les bénéfices issus de l'exploitation des droits d'auteurs), nous souhaitons créer un fond de solidarité avec les revenus ainsi dégagés, permettant de soutenir la jeune création, via les oeuvres crées par leurs prédécesseurs.

De plus, afin de ne pas juste "répondre" à des intérêts particuliers (qu'il s'agisse de ceux des internautes ou des artistes), il faut accompagner cette licence égale par une réelle politique d'accompagnement culturel, en soutenant le développement de médiathèques numériques publiques et gratuites, qui pourraient ainsi démocratiser l’accès aux oeuvres.

Le rayonnement culturel de la France est-il suffisant ?

Pour le NPA, la question ne se pose pas au niveau des nations. Notre conception de la culture est internationale car ce n'est n’est pas qu'un simple « divertissement » : au même titre que l’emploi, le logement, la santé, elle est un besoin social. Elle est porteuse des espoirs, des contradictions, des conflits de la société : elle crée du lien, elle participe à l’émancipation individuelle et collective. Selon la belle formule de Marcuse, « L’art ne peut pas changer le monde, mais il peut aider à la prise de conscience de ceux qui veulent le changer. » La culture ne se réduit pas aux seules industries culturelles, si dominantes soient-elles. Vivante, elle naît d’abord de besoins individuels et collectifs de s’exprimer, dans les structures existantes - institutionnelles, associatives... - comme dans la rue. Elle n’est pas non plus réductible aux arts constitués : les nouveaux médias, le design, la mode ou encore la gastronomie mettent en jeu des processus créatifs qui participent de la culture et qui, à ce titre, devraient être accessibles à tous. La culture n’est pas un « supplément d’âme », ni un pseudo-remède à la « fracture sociale ». L’accès aux oeuvres comme l’accès à la formation artistique et aux pratiques créatives sont des missions de service public. Ils doivent être garantis pour tous et toutes, sur les lieux de travail, dans les quartiers, villes et régions.

Votre projet culture :

Quelles évolutions ou même révolutions tant au niveau artistique qu’économique voudriez-vous impulser ?

Le NPA veut développer un véritable service public de la culture. Elle doit être rendue accessible à tous, ce qui suppose des moyens. Ceux-ci doivent être augmentés, aux plans national et local. Le budget du ministère de la Culture a rarement atteint 1% du budget de l’État, ce qui est dérisoire. Nous défendons une politique culturelle ambitieuse, pour retisser un maillage culturel sur l’ensemble du territoire.

Faut-il et doit-on dépenser plus dans ce domaine ?

Oui. Pour avoir une politique culturelle ambitieuse, il faut augmenter de façon significative ce budget.

Quel statut pour les professionnels, intermittents du spectacle ?

Le NPA veut défendre et améliorer le statut des travailleurs de la culture. C’est-à-dire leur assurer une stabilité matérielle et une protection sociale. Réformer la Maison des Artistes et assurer aux plasticiens une véritable protection sociale, avec aucun revenu en-dessous de 1700 euros pour les artistes, interprètes et techniciens du spectacle.

Philippe Poutou

Ouvrier, candidat anticapitaliste


Réponse publiée le lundi 3 avril 2017