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Politique culturelle / élections européennes dans le Sud-Ouest 2014 / Eric Mahuet

Nous avons interrogé Eric Mahuet (Liste SO Pirate - Parti pirate) qui candidate aux élections européennes dans le Sud-Ouest sur son projet de politique culturelle.

Questions aux candidats aux élections européennes dans le Sud-Ouest

Le député européen exerce 3 pouvoirs :

  • législatif : le Parlement est partie prenante dans l’adoption des actes juridiques communautaires, en "procédure législative ordinaire" (anciennement codécision), en procédure d’approbation ou de consultation, avec dans certains cas un droit d’initiative
  • budgétaire : il établit, avec le Conseil de l’Union européenne, le budget annuel de l’UE,
  • de contrôle : il intervient dans la procédure de désignation du président de la Commission européenne et peut censurer la Commission.

Nous avons contacté les candidats aux élection européennes dans le Sud-Ouest pour les interroger sur leur vision d'une politique culturelle européenne

  • Doit-on aller vers une politique culturelle Européenne commune ? Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?
  • Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?
  • Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?
  • Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?
  • Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Réponse de Eric Mahuet (Liste SO Pirate - Parti pirate)

Eric Mahuet
Eric Mahuet

Bonsoir

Voici les réponses de la liste SO Pirate à vos questions sur la culture et l'Europe.

Doit-on aller vers une politique culturelle européenne commune ?

Doit-on parler d'exception culturelle française au sein de l'Europe ?

Oui, il nous paraît naturel de s'orienter vers une politique culturelle commune. Mais... Tout dépend en fait de ce qu'on entend par politique culturelle. Nous voulons un ensemble de lois communes qui défendent la création en général, la vie des acteurs culturels dans tous les états membres, et en même temps la liberté des consommateurs. Nous ne voulons PAS d'une loi Toubon au niveau européen qui imposerait des quotas de telle ou telle culture au détriment d'une autre.

Quant à l'exception culturelle française, elle s'est aujourd'hui transformée en synonyme de répression du partage culturel. Au début du mandat Européen en cours, la France portait le projet de riposte graduée qui risquait d'être étendu au niveau de l'Union. François Hollande n'est pas revenu en arrière par rapport à ce qu'a construit Nicolas Sarkozy, la France reste la championne de la répression en conservant la Hadopi. Le projet de rapprochement Hadopi/CSA est loin d'améliorer cet état de fait.

Quel regard avez-vous sur l’action du parlement européen sortant dans le domaine culturel ?

Nous, Pirates, portons surtout notre regard sur la réforme du droit d'auteur. Étonnamment, la Commission Européenne a enfin pris conscience du besoin urgent de le réformer en lançant une consultation publique fin 2013. Cela a été un immense succès puisque plus de 11 000 réponses ont été fournies à la Commission (cf.

https://midi-pyrenees.partipirate.org/2014/02/duree-de-reponse-a-la-consultation-sur-le-copyright-etendue/ )

Pourquoi la réforme du droit d'auteur est-elle cruciale? Car aujourd'hui la façon dont le droit d'auteur est géré est un frein à la culture au sein de l'Union : partager, remixer et créer de nouveaux contenus est malheureusement réprimé.

Avec nos mesures sur ce sujet, nous proposons de rétablir la libre concurrence censée s'opérer dans un libre-marché.

Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser la création culturelle européenne et sa diffusion ?

Comme nous venons de l'aborder, en premier lieu une réforme du droit d'auteur est indissociable de toute évolution positive de la création culturelle en Europe.

De plus, nous voulons lutter pour l’abolition des monopoles de l’information. L’Union Européenne a cédé face aux exigences des multinationales telles que Disney ou Universal qui ont su établir des monopoles de l’information et de la diffusion, avec comme prétexte d'inciter les créateurs et inventeurs à produire plus. Dans les faits, les seuls bénéficiaires de ces monopoles sont les grandes sociétés, alors que le marché en lui-même est en échec. Cette défaillance du marché se manifeste par l’intimidation fréquente des particuliers et des PME par les sociétés de gestion collective des droits. Cette même défaillance est aussi la cause de la perte des œuvres orphelines, ce qui est une catastrophe pour notre société. Notre objectif est de construire un environnement où la motivation de créer va de pair avec la liberté d’information.

Enfin, nous pensons que la durée du monopole de l’exploitation des œuvres accordée par le droit d’auteur devrait être limitée raisonnablement. Les œuvres dérivées de travaux protégés devraient être normalement autorisées. Les exceptions à cette règle devraient être listés dans la loi sans qu’elles puissent faire l’objet d’une interprétation large.

Quelle doit être l’action de l'UE pour favoriser l'accès à la culture des citoyens européens ?

Notre première proposition est de favoriser les échanges dans l'Union; Internet ne devrait pas connaître de frontières. Nous, Pirates, considérons les barrières nationales imposées aux produits culturels comme une entrave à la mise en place du marché intérieur Européen. Nous, Pirates, demandons leur retrait, et nous pensons qu'un changement de paradigme est nécessaire tant dans la lettre de la propriété intellectuelle, que dans son application.

Nous constatons également que les échanges et que la collaboration se sont accrus grâce à la sphère numérique. Mais ces interactions ne doivent pas être restreintes par une application abusive du droit d'auteur. L’introduction d’une loi sur l’utilisation raisonnable des biens culturels ("fair use", qui recouvre le droit de citation, de remix, d'utilisation non-marchande, etc.) devrait assurer que ces interactions resteront sans contraintes.

Comment associer politique économique et politique culturelle de l’UE ?

Les deux sont intrinsèquement liées; regardons par exemple les combats menés d'un coté par les intermittents du spectacle, et de l'autre par les sociétés de gestion collective des droits.

Le secteur culturel pèse économiquement plus que l'automobile ou le luxe; toutes les études menées montrent que le partage non-marchand de fichiers est bénéfique pour ce secteur. En repoussant sans cesse la légalisation du partage de fichiers, nous nous asseyons sur un potentiel économique important.

De plus nous souhaitons encourager des modes de financement alternatifs de la culture tels que le mécénat global et le financement participatif. Ils permettent une transition entre le système actuel dans lequel les auteurs/artistes sont pieds et poings liés aux éditeurs/producteurs, vers un nouveau monde où ils sont autonomes et libres de choisir leur façon de travailler et d'être rémunérés. De plus ces nouveaux modes permettent de rapprocher ceux-ci de leur public.

Enfin, nous pensons qu'améliorer la disponibilité des informations, de la connaissance et de la culture est une condition préalable pour le développement social, technologique et économique de notre société. Ainsi, nous, Pirates, demandons que la copie, le stockage, l’utilisation et la mise à disposition d’œuvres littéraires ou artistiques à des fins non-commerciales soient non seulement légalisés mais aussi promus et protégés par la loi. Chacun doit être en mesure de profiter et de partager notre héritage culturel librement et sans risque judiciaire ou de censure.

Est-ce que l'action culturelle de l'UE est assez visible par les citoyens européens ?

Quelle action culturelle? Quelques exemples des problèmes non résolus auxquels l'UE aurait déjà du s'atteler:

* le fait que dans les autres pays de l'Union, les citoyens Français n'aient pas accès en streaming aux chaînes pour lesquelles ils payent une redevance,

* le message scandaleux envoyé par la réponse Cour Européenne des Droits de l'Homme en 2013 au recours de Fredrik Neij et Peter Sunde, les fondateurs de The Pirate Bay [1] : il semble donc que droit d'auteur répressif prime sur la liberté d'expression en Europe!

* quant à l'homme de le rue, il n'a d'ailleurs en général jamais entendu parler de la politique culturelle européenne, ce qui montre bien qu'il y un problème de communication et d'action sur ce sujets.

[1] http://www.numerama.com/magazine/25377-pour-la-cedh-condamner-the-pirate-bay-etait-une-necessite-democratique.html

"l'obligation [des autorités suédoises] de protéger le droit d'auteur, tant au regard de la loi pertinente qu'au regard de la convention [des droits de l'homme], constitue une raison valable de restreindre la liberté d'expression des requérants".(texte complet de l'arrêt sur http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/884CF47D-B808-4390-991B-476756AABFF4/0/FS_New_technologies_FRA.pdf)

Nous restons à votre disposition si vous souhaitez de plus amples renseignements.

Cordialement,


Réponse publiée le jeudi 24 avril 2014