Nous avons interrogé Philippe Poutou (NPA) qui candidate aux élections présidentielles sur son projet de politique culturelle.
Questions aux candidats aux élections présidentielles
Votre regard sur de la politique culturelle conduite par le Président de la République Nicolas Sarkozy et des Minitres de la culture de ses gouvernements :
- Est-ce que les objectifs affichés du candidat Sarkozy ont été atteints ?
- Bilan et critique des initiatives conduites et du soutien aux structures actives.
- L’action envers les plus jeunes, dans le cadre scolaire en particulier.
Est-ce que la part du budget consacré à la culture est suffisante ? Est-elle bien utilisée ?
- Loi Hadopi : une protection nécessaire et efficace ?
- Le rayonnement culturel de la France est-il suffisant ?
Votre projet culture
- Voudriez-vous conduire un projet dans la continuité ou en rupture avec l’action passée ?
- Quelles évolutions ou même révolutions tant au niveau artistique qu’économique voudriez-vous impulser ?
- Faut-il et doit-on dépenser plus dans ce domaine ?
- Quel statut pour les professionnels, intermittents du spectacle ?
Réponse de Philippe Poutou (NPA)
Vous nous avez transmis un questionnaire sur le projet culturel du NPA et de Philippe Poutou dans le cadre de la campagne électorale.
Vous trouverez en PJ un document que nous avons rédigé sur ce sujet , reprenant l'essentiel de vos questions.
Nous pouvons ajouter à ce texte que nous critiquons globalement la politique culturelle du gouvernement Sarkozy , comme celle de tous les gouvernements libéraux qui travaillent à faire de la culture une marchandise, divertissement pour le "peuple" et objet de spéculation pour "l'élite". Nous militons pour un accès de tous à la culture dès le plus jeune âge , à un statut des artistes qui leur permette de vivre sans compromis avec le marché et nous ne nous attachons pas au "rayonnement culturel de la France" , la culture est un bien transversal et non un instrument de domination politique.
Meilleures salutations
L'équipe de campagne de Philippe poutou
Le droit à la culture
La culture n’est pas un simple « divertissement ». Au même titre que l’emploi, le logement, la santé, elle est un besoin social. Elle est porteuse des espoirs, des contradictions, des conflits de la société et elle participe à l’émancipation individuelle et collective. La culture ne peut se réduire aux seules industries culturelles, si dominantes soient-elles. Vivante, elle naît d’abord de besoins individuels et collectifs de s’exprimer, dans les structures existantes - institutionnelles, associatives... - comme dans la rue. Elle n’est pas non plus réductible aux arts constitués : les nouveaux médias, le design, la mode ou encore la gastronomie mettent en jeu des processus créatifs qui participent de la culture et qui, à ce titre, devraient être accessibles à tous. La culture n’est pas un « supplément d’âme », ni un pseudo-remède à la « fracture sociale ». L’accès aux oeuvres comme l’accès à la formation artistique et aux pratiques créatives sont des missions de service public. Ils doivent être garantis pour tous et toutes, sur les lieux de travail, dans les quartiers, les villes et les régions.
Or aujourd’hui, le droit à la culture n’est pas respecté.
Parce que la production culturelle est régie par la loi du profit. Le résultat : une culture démagogique et uniforme est martelée au public, considéré comme un ensemble de consommateurs tout juste bons à payer, à des tarifs prohibitifs pour les catégories les moins favorisées. La culture pour être réellement accessible a tous doit bénéficier d'un cadre public laissant a chacun sa liberté d'expression sans contrainte marchande. Aujourd'hui ce qui est gratuit est payé par la publicité, il n'y a donc pas de vraie liberté d'expression. Le capitalisme n'offre pas d'alternative ni de perspective aux artistes car dans ce cadre leur "production" est dévoyée par la recherche du profit.
Parce que les politiques publiques sont très en deçà des enjeux. l'État précarise les artistes et se désengage en reportant le coût de la culture sur les collectivités locales. Si certaines ont les moyens et la volonté de soutenir les activités culturelles, pour d’autres, ce sont des cinémas, des théâtres, des musées, des bibliothèques, des festivals qui disparaissent. Le recours au mécénat privé et au sponsoring se développe. Parce que la culture reste enclavée. L’envie de culture, ça se
cultive. Ce qui n’est pas le cas quand les publics les plus en difficulté se sentent exclus de certaines activités culturelles, même gratuites ou peu coûteuses.
C’est pourquoi le NPA et son candidat Philippe Poutou défendent les propositions suivantes :
> Développer un véritable service public de la culture. Elle doit être rendue accessible à tous, ce qui suppose des moyens. Ceux-ci doivent être augmentés, aux plans national et local. Le budget du ministère de la Culture a rarement atteint 1% du budget de l’État, ce qui est dérisoire. Le NPA revendique le droit à la culture et à l'art pour chacun et le droit pour les artistes de pouvoir vivre de leur art.
Ceci signifie que l'accès à l'art et à la culture doit être garanti dans l'éducation donnée à tous, incluant la pratique d'activités artistiques, par la gratuité des musées, des études artistiques et un statut des artistes qui les mette à l'abri de la précarité et du système marchand. Bien évidemment à court terme nous réclamons la suppression de la RGPP et de la loi Hadopi.
>Défendre une autre conception de l’audiovisuel public. La publicité doit être bannie des chaînes et radios publiques, dont le financement doit être augmenté ; la redevance doit être progressive, et non rester un impôt injuste comme la TVA. Il faut refuser la course à l’Audimat, et inverser le cours actuel qui veut que la production de programmes soit confiée de plus en plus à des prestataires privés. Service public de la culture ne signifie pas culture d’État : la gestion des outils culturels doit être assurée par des collectifs associant professionnels et usagers. Ce qui ne doit pas empêcher, bien au contraire, une politique publique visant à accorder aux structures locales les dotations nécessaires, à rebours de la logique actuelle de la régionalisation.
> Garantir l’accès à la formation et à la pratique artistiques. À l’école, il faut revaloriser les enseignements artistiques, et surtout accorder une égalité de moyens entre les établissements. Plus généralement, chacun doit avoir accès à une pratique artistique, quels que soient ses revenus : les conservatoires, les musées, les médiathèques, les cours municipaux, les ateliers d’écriture doivent être gratuits. Il faut encourager les pratiques amateurs en multipliant les lieux d’accueil (salles de répétition, lieux d’exposition, etc.).
> Défendre et améliorer le statut des travailleurs de la culture. C’est-à-dire leur assurer une stabilité matérielle et une protection sociale. Il faut abroger le protocole de juin 2003 sur l'assurance-chômage des intermittents, revenir à une annualisation sur 507h sur 12 mois pour 12 mois d'indemnisation sans délai de carence, aucun revenu en-dessous du SMIC pour les artistes, interprétés et techniciens du spectacle. Et à terme nous voulons un salaire universel pour tous y compris les artistes et techniciens du spectacle et de la culture en général.
> Pour une licence "égale" !. Les changements de pratique et d'accès à la culture, par les nouvelles technologies sont aujourd'hui une réalité. La pénalisation et la criminalisation des internautes n'est pas une solution. Le NPA s'est toujours clairement prononcé contre HADOPI : injuste et inéfficace, HADOPI est surtout totalement déconnecté de la réalité et non seulement n'assure en aucun cas des revenus justes aux artistes et techniciens (et pas seulement aux "gros et reconnus"...), mais surtout acte de fait, dans une période de crise dans laquelle les biens culturels sont souvent les premiers sacrifiés faute de pouvoir d'achat, la primauté du commerce sur les échanges culturels. C'est pourquoi il faut non seulement l'abroger, mais revenir au fond du problème.
Nous proposons une licence "égale", qui permettrait ainsi de répondre aux trois questions posées par les échanges culturels sur internet : la rémunération, l'accès à la culture pour toutes et tous, et la
question du financement.
Cette licence égale repose sur deux grands principes : maintien de l'exception pour copie privée des internautes et protection de la rémunération des artistes et techniciens. Elle serait financée majoritairement par l'instauration d'une taxation sur le chiffre d'affaire des grosses majors de l'entertainment, fabricants de matériel informatique, opérateurs de télécoms et fournisseurs d’accès qui, en gagnant des abonnés à coup de publicité sur le haut débit, sont les principaux bénéficiaires des échanges, légaux ou non, des oeuvres, et ce afin de compenser les ayants droit pour le manque à gagner occasionné par le téléchargement dit illicite.
Concernant la répartition de cette taxe entre les ayant-droits, précisons tout d'abord que nous sommes contre la patrimonialisation de ces mêmes droits : un salarié ne fait pas hériter ses descendants des bénéfices de sa production, et ce sont les futurs salariés de son secteur qui bénéficient de son apport. Même chose ici donc, où les droits post-mortem générés par un artiste serviraient à alimenter un fond d'aide aux artistes fragiles et/ou émergents
> Défendre la diversité culturelle et la liberté d’expression. Les réseaux alternatifs de diffusion des oeuvres (friches et squats artistiques, médias associatifs...) doivent être développés et soutenus, pour offrir une plus grande diversité et permettre à toutes les formes artistiques de trouver leur public. Contre la censure et l’ordre moral, la liberté d’expression des artistes doit être protégée, au même titre que l’expression de chacun.
Au-delà de ces propositions immédiates nous défendons l’idée que les arts et la culture doivent pleinement s’inscrire dans la vie sociale, et non être enfermés dans les espaces qui leur sont dédiés aujourd’hui. S’il ne nous appartient pas de dire ce que devrait être « la culture » dans la société pour
laquelle nous nous battons - la création est et sera toujours enjeu de débats et de conflits -, nous savons au moins autour de quelles exigences elle doit s’articuler. La liberté de création : parce que l’expression artistique est aussi là pour déranger, pour subvertir. La liberté de diffusion : parce que la rémunération des professionnels doit être pensée hors de la privatisation de la culture. La liberté d’accès : parce que les barrières, financières et sociales, qui séparent le public des artistes doivent être abattues. L’échange et l’enrichissement mutuel : parce que le confinement de bien des cultures minoritaires ou extra-occidentales, dont la découverte est réservée à quelques « amateurs éclairés », est un appauvrissement pour tous. Enfin, la pleine démocratie : parce que la politique culturelle doit d’abord se décider au plus près des populations, dans le débat entre publics et producteurs de culture.
Réponse publiée le dimanche 11 mars 2012